L’ostéopathie Française, un combat depuis 1962

De nos jours, différents textes de lois, décrets, arrêtés ministériels légifèrent la pratique de l’ostéopathie. Ces mesures permettent à notre génération de pouvoir user d’un titre réglementé dans une profession reconnue.

Les derniers décrets nous dotent d’un référentiel de formation uniforme sur le territoire français et de conditions de formation sous tutelle du ministère de la santé.

Pourtant il y a 15 ans, nos maîtres pratiquaient dans l’ombre.

Nous sommes les enfants d’un combat pour la pratique de notre métier, une profession indépendante et exclusive.

Il nous semble donc important de revenir sur l’histoire du statut de l’ostéopathie en France.

Nous espérons que pour certains ce sera une façon de rendre hommage, pour d’autres une manière de comprendre le contexte actuel.

Nous vous proposons une frise chronologique afin de pouvoir visualiser l’évolution :

Poster-evolution-statut-osteo (cliquez sur le lien)

Tout commence le 6 janvier 1962, lors de la parution d’un arrêté ministériel modifiant le code de santé publique: art 372:

« Ne peuvent être pratiqués que par les docteurs en médecine, conformément à l’article L.372 (1°) du code de santé publique, les actes médicaux suivants:

1° Toute mobilisation forcée des articulations et toute réduction de déplacement osseux, ainsi que toutes manipulations vertébrales, et, d’une façon générale, tous les traitements dits d’ostéopathie, de spondylothérapie (ou vertébrothérapie) et de chiropraxie […] »

La messe est dite, c’est le début d’une bataille qui durera plus de 40 ans.

Bien que la manipulation n’ait jamais été le seul outil de l’ostéopathe, c’est pourtant bien elle qui cristallisera le plus les conflits inter-professionnels. Autant auprès du grand publique qu’au sein même de notre profession.

Malgré cette disposition législative l’évolution du nombre d’ostéopathe non-médecin ne va cesser de grandir pendant près d’un vingtaine d’année, au point d’aboutir à une dichotomie dans le paysage de l’ostéopathie:

les médecins 

– les non-médecins.

Dans un premier temps cela s’explique par un scepticisme important de la part de la population médicale, voire un désintérêt pour l’ostéopathie.

En effet, nous sommes dans les années révolutionnaires du médicament, la médecine manuelle est de plus en plus délaissée par le médecin au profit d’une nouvelle méthode thérapeutique chimique très efficace. Les années 50 ont permis la découverte d’un vaccin contre la polio et les années 60 ouvrent la porte de l’anesthésie moderne, c’est l’essor de la chirurgie.

Par la suite, face à la demande grandissante du grand publique, le monopole médical réagira et tentera d’affirmer son autorité afin de s’accaparer la pratique de l’ostéopathie.

Une guerre juridique se profile.

Elle opposera les deux camps, sur le terrain de la sémantique (qu’est ce qu’une manipulation? qu’est ce qu’un acte ostéopathique?) puis sur le terrain juridique (via la pratique illégale de la médecine).

Au fil du temps les affaires s’amassent et des jurisprudences apparaissent mettant les ostéopathes non-médecins à l’abri de certains chefs d’accusation. Cependant cette situation laisse tout un pan de la profession dans une instabilité chronique vis à vis de la justice.

Ce sera en 1995 que le tribunal Correctionnel de Nancy tranchera en faveur d’un ostéopathe non-médecin (affaire n°3880/95 du 9 octobre 1995):

« Le prévenu (ostéopathe) n’effectue pas de manipulations forcées sur les vertèbres ou la colonne vertébrale, mais qu’il rentre dans une amplitude articulaire »

Ce précédent servira dans la mise en place de l’ensemble de l’argumentaire des affaires qui suivront et donnera le champ libre aux non-médecins pour la pratique de l’ostéopathie.

Au fur et à mesure, malgré les affaires, les non-médecins tenteront une sortie au grand jour.

C’est donc dans ce contexte que naitra le D.U de médecine Naturelle en 1982 à Paris XIII où des ostéopathes non-médecins enseignent, il s’en suivra du D.I.U de médecine ostéopathique à Bobigny en 1995.

Pour l’heure, l’enseignement de l’ostéopathie ne sera accessible qu’aux professionnels de santé.

Cela ne durera pas longtemps puisque les premiers collèges de formation initiales verront le jours en 1996.

Désormais l’ostéopathie sera divisée en trois partie:

– Les médecins

– Les para-médicaux

– Les exclusifs

Cette nouvelle accessibilité régit le début d’une période où l’ostéopathie jouira d’une reconnaissance de plus en plus importante vis à vis des patients grâce à son efficacité.

Cette popularité amènera à un soutien politique important, notamment celui de François Mitterrand en 1985 avec l’ouverture d’une commission dédiée à la reconnaissance de la profession.

Cependant, les différents clivages de chaque partie et le contexte de cohabitation feront de la reconnaissance un débat secondaire et stopperons les initiatives prétendantes jusqu’en 1997.

Le 28 mai 1997 signe un tournant dans les débats autour de l’ostéopathie avec la parution du rapport Lannoye au parlement européen.

Ce rapport servira de base pour motiver le législateur à se saisir de la problématique quelques années plus tard.

Une commission de l’Assemblée Nationale se forme en 1999 autour de la reconnaissance de l’exercice de l’ostéopathie, on pourra lire dans un des rapports:

« Il serait illusoire de refuser la naissance de nouvelles professions relevant du domaine de la santé […] Pour l’assemblée, ces formes alternatives ou complémentaires de la médecine devraient pouvoir être exercées à l’avenir tant par des médecins que par des praticiens de la médecine non conventionnelle correctement formés […] »

En parallèle des discutions en France, la Belgique reconnait l’ostéopathie en 1999.

Les choses bougent en Europe et feront accélérer les travaux Français.

Ce sera Bernard Kouchner, alors ministre de la santé, qui sera chargé du dossier dans le cadre de sa Loi sur les droits du patient.

Cette dernière sera proposée au législateur en 2001 et finira sa course entre l’Assemblée Nationale et le Sénat pour enfin paraître en janvier 2002 sous le nom de LOI KOUCHNER avec son célèbre art 75: reconnaissance de l’ostéopathie.

Désormais, les ostéopathes non-professionnels de santé ne pourront plus être attaqués pour exercice illégal de la médecine.

Cependant les modalités d’accès au titre, la formation et les conditions d’exercices de la profession restent encore à définir.

L’évolution se fera par de nombreux combats syndicaux menés par la profession et les étudiants afin d’aboutir aux réglementations de 2007, 2009 et 2014.

Bien qu’il reste encore de nombreuses améliorations à apporter à la réglementation en vigueur nous nous devons de faire un constat:

notre profession n’est qu’adolescente.

 

« Là ou l’allopathie est vielle de 2400 ans pour forger sa réputation et son image, l’ostéopathie n’est vieille que de 139 ans. »

 L’HERMITE

Nous rendons hommage au travail de Pierre-Luc L’HERMITE qui détaille l’ensemble de cette période dans son ouvrage sur la judiciarisation de l’ostéopathie.

Notre ostéopathie est le fruit d’une bataille menée depuis plus de quarante ans par nos syndicats et par les ostéopathes. Leur travail doit nous rappeler une des règles fondamentales que respecte un thérapeute:

L’humilité.

 Quelle histoire !

Pierre-Adrien LIOT

Yann BRICOLA 

Elodie AIRIAU