D’où nous vient la Posturologie

Jusqu’en 1870 et grâce à la publication de l’Introduction à l’étude de la Médecine Expérimentale de Claude Bernard, médecin et physiologiste français, le concept anatomoclinique prédominait en médecine.

Jean-Martin Charcot, neurologue français, structurait ensuite la nosologie des maladies du système nerveux central autour de ce concept. Il existait alors une relation logique entre topologie, fonction et clinique des différentes parties du corps. Dix ans plus tard, l’essentiel de la neurologie était décrit.

Mais après 1870, la description de maladies du système nerveux central sans lésions anatomiques interroge les premiers neurologues. Représenter de nouvelles entités sur une base anatomoclinique devient donc secondaire.

  Jean-Martin Charcot soupçonne avec Jules Froment, l’existence d’un autre type de maladies du système nerveux central qui n’appartiennent ni aux maladies neurologiques ni aux maladies psychiatriques (Hystérie-Pithiatisme & troubles nerveux d’ordre réflexe, 1918). Au cours de la première assemblée de neurologues en 1916, Pierre Marie Gagey, neurologue français, reconnaît une maladie posturale en étudiant les blessés de guerre qui se plaignaient de symptômes (sensations vertigineuses, troubles visuels, instabilité, céphalées, etc.) sans cause anatomocliniques.

Chez tous ces sujets, les descriptions des troubles ressentis sont absolument identiques et verbalisées avec les mêmes expressions.

«Quelle est la nature de ces troubles subjectifs ? Quel est leur degré de gravité ? Quelle conduite tenir une fois la cicatrisation de la plaie achevée ?» s’interroge-t-il.

Un consensus se dégage selon lequel l’intersubjectivité fonde l’objectivité. Un principe qui conduit cette assemblée de neurologues à reconnaître la réalité de cette affection sans support anatomoclinique.

Pierre Marie Gagey nommera l’étude de ces affections la « Posturologie ».

Finalement, la question fondamentale soulevée est : comment l’homme tient-il debout ?

La description d’une maladie posturale en 1916 aurait dû permettre de mieux comprendre comment l’équilibre du corps humain était géré. Il n’en fut rien. La médecine de cette première partie du XXe siècle reviendra sur des bases anatomocliniques et la maladie posturale identifiée par Pierre Marie sera limitée à un « syndrome subjectif des traumatisés du crâne de Pierre Marie ».

Aujourd’hui contestée, la réalité de cette atteinte posturale sera remise en cause par les médecins qui émettent des diagnostics contradictoires en présence de ces symptômes.

Pourtant, cette question avait été posée dès 1837 par Charles Bell, anatomiste, chirurgien et physiologiste écossais. Dans une logique topologique, un organe était attribué à un sens. Qu’en était-il du sens de l’équilibre ?

Les réponses étaient variées : l’œil (1853), le vestibule (1829), les muscles cervicaux (1845), le pied (1860) et même les muscles oculomoteurs (1911).

Karl von Vierordt, médecin allemand, avait émis une hypothèse originale en 1860, celle que tous ces organes pouvaient participer à la même fonction.

Dans les années 1970, un étudiant du M.I.T. de Cambridge, Nashner, décide de faire sa thèse sur le système d’asservissement du contrôle postural. Pour ouvrir les boucles de rétroaction en provenance de la vision et de la proprioception podale, il construit un outil technologique susceptible d’asservir aux mouvements du centre de gravité du sujet en examen, les mouvements de la cabine et/ou du piédestal où il se tient.

Il permettra de démontrer que la posture de l’homme debout et au repos est bien contrôlée par un asservissement qui intègre les informations d’une série d’entrées du système postural au sein d’une boucle de rétroaction destinée à corriger les écarts du corps à sa position d’équilibre pour le stabiliser. L’hypothèse vieille de plus d’un siècle de Karl von Vierordt était confirmée.

Cette conclusion sera reliée à des concepts mathématiques. Avec comme postulat de base que les positions d’un corps dans son environnement n’étaient pas seulement une série de succession de différents états, mais comportaient un enchaînement, une continuité.

Extrait de l’article d’Ostéopathe magazine: http://www.osteomag.fr/slider/posturologie-une-histoire-qui-tient-debout/