L’ostéopathie et la kinésithérapie, deux entités si différentes?

Pourquoi la kinésithérapie et l’ostéopathie sont-elles deux entités si différentes ?

Dans le monde des thérapies manuelles, la question de la différence entre ostéopathe et kinésithérapeute est l’une des plus banales. En tant qu’étudiants, nous avons tous été amenés un jour à y répondre lors d’un repas de famille ou lors d’une sortie entre amis. Pourtant, bien que nos deux professions soient bien différenciées sur le plan législatif, il reste difficile pour nous autres de bien expliquer en quoi nos champs de compétences sont bien distincts et notre pratique différente.

La frontière entre nos deux professions est mince mais réelle.

 

Pour bien cerner le problème, revenons aux origines :

La Masso-kinésithérapie est née en France en tant que telle en 1944. Cette profession est la réunion de deux corps de métiers différents: la gymnastique médicale et le massage médical. A la fin de la première guerre mondiale se glisse la nécessité d’une médecine manuelle de rééducation pour prendre en charge les nombreux blessés et amputés de guerre. Au commencement, la kinésithérapie n’est pas une profession à part entière mais un savoir-faire que se partagent médecins et infirmiers. Au fur et à mesure des années, la médecine évolue, se transformant en ce que l’on appelle la médecine chimique. Très vite, celle-ci remplace la médecine manuelle. Médecins et infirmiers délaissent donc leur ancienne discipline face à de nouvelles pratiques révolutionnaires. Ainsi, la naissance d’une vraie profession est nécessaire pour conserver l’efficacité des traitements.

 

L’histoire de l’ostéopathie en France est un peu différente. Créée aux États-Unis par Andrew Taylor Still, sa route est longue avant son arrivée dans le vieux continent. Du jour de sa création, un certain 22 juin 1874, jusqu’à son apparition en France en 1936 avec le Docteur Robert Laverazzi (eh oui, j’ai bien dit Docteur!), l’ostéopathie subit plusieurs modifications en passant notamment par l’Angleterre. L’ostéopathie est née d’une réflexion d’un homme autour d’un concept médical qu’il jugeait insatisfaisant. Dans un premier temps, l’ostéopathie se développe en marge de la médecine dite « héroïque » de l’époque.

Deux origines pour deux concepts.

Deux concepts pour deux définitions.

On oublie souvent l’importance de l’étymologie; pourtant c’est elle qui détermine la définition, c’est-à-dire ce que l’on est de ce que l’on n’est pas.

Ostéopathie vient de deux expressions grecques :

Ostéon : l’os

Pathos : qui désigne une impression entrante ; souffrir. L’ostéopathie est donc la souffrance qui entre par l’os (celui-ci symbolisant la nature mécanique du corps humain).

Ainsi le suffixe -pathie ne désigne-t-il pas la pathologie, mais le moyen emprunté. Comme les mots «sympathie» («sensible avec») et «télépathie» («sensible à distance»).

 

La Kinésithérapie, aussi appelée Cinésithérapie, vient de:

Cinéto ou kiné: le mouvement

Thérapie : traitement

La Kinésithérapie est donc le traitement par le mouvement.

Ainsi, l’ostéopathie est un concept de cause à effet, une réflexion thérapeutique. La kinésithérapie est une méthode de soins.

C’est ce qui différenciera dans la pratique de manière très concrète nos démarches. Le kinésithérapeute va s’intéresser aux lésions diagnostiquées par le médecin, et traiter de manière compartimentée le patient (région par région). Son objectif est de résoudre les symptômes de la lésion. En effet, la rééducation et le massage s’intéressent aux répercussions de la lésion sur les gestes de la vie quotidienne. Lorsqu’elle ne guérit pas, la kinésithérapie réadapte.

« La masso-kinésithérapie est une discipline paramédicale qui participe à la santé publique. Elle se distingue de la médecine en ce sens qu’elle ne traite non pas la pathologie en tant que telle, mais s’occupe des conséquences de la pathologie sur la gestuelle. Elle situe le mouvement comme un besoin de santé.» Michel Gedda kinésithérapeute

L’ostéopathie, quant à elle, est une analyse de la maladie. Elle recherche l’origine mécanique ou physiologique de la lésion en partant du principe que chaque dysfonctionnement d’un organe s’additionne pour aboutir à la maladie. L’ostéopathe va donc jouer avec les mécanismes d’auto-régulation du corps. C’est pourquoi on décrit le champ d’application majeur de l’ostéopathie comme étant la pathologie fonctionnelle.

A contrario, le kinésithérapeute gère principalement la pathologie lésionnelle. Il existe pourtant aujourd’hui une forte confusion entre nos deux professions. En effet, les techniques utilisées par l’un peuvent être utilisées par l’autre. En pratique, on constate une complémentarité des deux méthodes. Comme les champs d’application sont différents, les deux professions peuvent se superposer. En effet, il est rare que la lésion d’un organe n’entraîne pas de dysfonctionnement d’autres organes. L’ostéopathe et le kinésithérapeute sont donc amenés à se croiser.

Cependant, même si nos origines et nos applications sont différentes, nos deux professions sont intimement liées historiquement car les premiers ostéopathes français étaient soit médecins soit kinésithérapeutes. On ne peut donc nier le brassage inter-professionnel qui s’est effectué au cours du temps.

 

Cet article est issu de l’interprétation du Mémoire de Bastien Zajec « De la kinésithérapie à l’ostéopathie : identification des différences et identités différentes ». Cet ouvrage est rendu public et est disponible sur Internet.

Pierre-Adrien LIOT